Duplex à Bruxelles
Certaines choses ne tolèrent aucune approximation. Dans d’autres domaines, l’improvisation donne naissance à de petits bijoux. Situé au sommet d’un bâtiment d’apparence modeste à Bruxelles, le duplex de Frédéric Karam est un mix très réussi d’architecture pointue, de trouvailles géniales et de hasard total….
Natif du Liban ayant un peu grandi en France et étudié à Lausanne en Suisse, Frédéric Karam a trouvé à Bruxelles un biotope naturel. “En Belgique, on a moins peur de se contredire. On peut déterminer un concept très précis et ensuite, spontanément, en prendre le contrepied. Sans aucun complexe ! L’architecture est un métier sérieux, avec des responsabilités sérieuses. Mais ce n’est pas une raison pour se prendre trop au sérieux. Les concepts doivent laisser la place à la contradiction… Un projet doit pouvoir respirer, évoluer, changer. On ne construit pas pour les photographes, mais pour les gens. Un intérieur doit avant tout être agréable à vivre.” L’entretien était fini, le calepin rangé dans le sac. Mais nous discutions toujours. C’est à ce moment que notre hôte a exprimé ce manifeste, doublé d’une déclaration d’amour à sa ville d’adoption. “Regardez les immeubles autour de nous : nous avons peut-être là six styles différents qui racontent deux siècles d’architecture. Et ce patchwork fonctionne. En Belgique, les architectes jouent un vrai rôle. Puis, il y a ce savoir-
faire des corps de métier. Tout cela se mélange. Avec cette touche d’humour, de surréalisme.” Teinté d’humour, le concept qui respire, l’espace agréable à vivre… On retrouve tout cela dans son lumineux duplex. “Beaucoup confondent encore l’approche minimale et le côté aseptisé. Or pour moi, minimal veut simplement dire chercher à faire les choses de la manière la plus simple possible. Cela ne veut pas dire que c’est plus facile. Cela implique au contraire une grande réflexion préalable. Cela signifie aussi travailler avec ce que les matériaux ont à donner, et être prêt à des adaptations en plein chantier : car il s’agit de réagir à ce que l’on découvre. C’est de tout cela, justement, que découle la richesse.” Par endroits, tantôt laissées à l’état naturel tantôt peintes en blanc, les briques de l’ancien mur mitoyen côtoient des blocs neufs d’un format différent. Une rupture de ton qui raconte l’histoire du bâtiment, introduit des textures. Les panneaux de multiplex que l’on retrouve un peu partout participent aussi de cette richesse. “Ce sont les panneaux les moins chers, mais aussi ceux qui présentent des dessins les plus larges : les motifs s’étendent sur plusieurs mètres avec un effet un peu comparable à celui qu’aurait donné le marbre, matériau auquel j’avais tout d’abord pensé.” Travaillés et creusés manuellement par un menuisier, ces panneaux dévoilent des dégradés fascinants : “Ce genre de choses est impossible à dessiner. Cela introduit un caractère unique.”
Texte: Jean-Michel Leclercq – Photos: Liesbet Goetschalckx – Stylisme: Sigrid De Ceuleneer.
Source: Gael Maison – janvier/février 2018