Crazy&Crafty

Nos yeux fusent d’un coin à l’autre de cet hôtel de maître brugeois. L’espace est parsemé de meubles et d’œuvres d’art aux couleurs, formes et matériaux expressifs. Chaque pièce témoigne d’un travail manuel patient et passionné. Bienvenue chez Jo et Esther. 

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Gagnés par la verdure, les anciens remparts forment ici un joli parc bordé d’eau. Tel est le charmant tableau dont Jo Hoeven et sa compagne Esther jouissent chaque jour. Leur maison est un hôtel de maître du XIXe siècle, dont les portes en bois laqué, hautes et imposantes, s’ouvrent sur un hall d’entrée majestueux. De là, d’autres portes nous mènent au séjour. “Ce n’est pas une maison conventionnelle”, prévient Jo. “En semaine, nous passons notre temps ici, au rez-de-chaussée. Mais le week-end, nous déménageons au dernier étage afin de libérer les trois suites proposées à la location.” Jo Hoeven a de multiples casquettes. Architecte d’intérieur de formation, il est aussi collectionneur de design, gérant de B&B et cofondateur de Studio Loho, un atelier de design qui s’est spécialisé dans la création de produits à haute teneur naturelle : enduits de chaux ou d’argile, ou encore des baignoires et lavabos en céramique. 

Décorateur de plateau

L’histoire commence en 2016 quand Jo décide de racheter la maison de ses parents avec Esther. “Elle était clairement trop grande pour nous et il fallait trouver une source de revenus pour l’entretenir. L’idée d’en faire un B&B teinté d’art et de design s’est imposée rapidement. Comme je connaissais bien les lieux, je pouvais ressentir ce dont chaque pièce avec besoin.” Jo sourit. “Esther se moque toujours un peu de moi dès que je parle comme ça et me surnomme le décorateur de plateau, le setdresser, en référence à une chanson qui évoque quelqu’un qui se targue de ‘sentir’ l’espace. Mais je vous assure que cela se passe vraiment ainsi. Cet intérieur a pris forme de façon très organique. Comme les hôtes ne résident jamais très longtemps, l’aspect pratique n’était pas le plus important et nous avons plutôt essayé de dépasser les limites de la normalité.” La suite dotée d’une baignoire perchée illustre très bien cette a-normalité. “Personne n’a ça chez lui, bien entendu, d’où l’effet de surprise ! L’idée m’est venue en feuilletant de vieux Playboy. Dans les années 1970, le magazine publiait des maisons vraiment folles, avec par exemple un étang dans la salle à manger. Pour en revenir à la baignoire, je cherchais un modèle qui se marie aux matériaux naturels que nous avions appliqués aux murs. Ne trouvant rien, je me suis tourné vers mon ami Karel Loontiens pour en réaliser une en céramique.” Le duo ne s’est pas arrêté là. D’autres baignoires, mais aussi des lavabos et d’autres ingrédients déco luxueux ont suivi, tous estampillés Studio Loho. 

 Pièces uniques  

L’amour de Jo pour les objets artisanaux dépasse le cadre de son studio et se ressent dans chaque pièce de la maison. “Nous avons évité les Eames et autres grands noms. Ce n’est pas que leur design ne nous plaît pas, mais nous leur préférons des choses plus rares comme cette table ronde entourée d’un banc de Pierre Chapo, un designer français qui concevait et fabriquait tout dans son propre atelier. J’affectionne également l’architecte et designer suisse Klaus Vogt, dont la pièce la plus célèbre est sans doute le canapé en forme de serpent ‘DS-600’ pour De Sede. Ses autres designs sont tout aussi intéressants. Le fait d’accueillir ici de nombreux hôtes est une bonne excuse pour collectionner des objets et des œuvres rares. Au départ, j’ai même pensé ouvrir une galerie d’art mais l’on ne dispose que de vingt-quatre heures dans une journée, et le Studio Loho suffit à remplir mon emploi du temps.” La collection privée de Jo et Esther n’en est pas moins séduisante et l’on a un peu l’impression de visiter un musée ou une galerie lorsqu’on marche dans leur salon. Le côté froid et formel en moins.

Plan b 

La maison est également un labo d’essai pour les objets et matériaux du Studio Loho, des objets et matériaux déjà adoptés par des architectes d’intérieur actifs dans le monde entier. “Aménager des espaces m’a toujours semblé simple et naturel. Mais le faire pour autrui est une tout autre activité, car il faut tenir compte d’une foule de facteurs extérieurs. Il est plus difficile de laisser un processus se dérouler de façon organique. J’ai donc très vite remarqué que je préférais me concentrer sur la fabrication d’objets.” La gigantesque table en bois brûlé qui traverse sa salle à manger témoigne du temps que Jo peut dédier à la fabrication d’un objet, tout comme son ottoman en cuir ou son gigantesque pot réalisé en béton de chanvre. Il aime les processus lents et les références à la nature. Parmi ses projets sur le feu : une cabine de douche en céramique en forme de menhir. Mais aussi un autre B&B, aménagé cette fois dans une ancienne usine à balais. Voilà notre curiosité déjà attisée. 

kindofoj.com – studioloho.com 

Texte : Jackie Oomen. Photos : Kaatje Verschoren