Hommage architectural à Mondrian
Originalité n’est pas forcément synonyme de complication. L’architecte Arnaud Screpel en est persuadé et il a pris un vrai plaisir à parsemer sa maison de lignes obliques. Pas besoin de prouesses techniques pour cela, il suffit d’avoir envie d’offrir à son intérieur des vues s’élevant vers les arbres. Au dedans, cette grande villa montoise fait rimer simplicité et originalité.
Acier de charme
La forêt est là, au fond du jardin. Sans clôture. “Je ne vais pas dire que je m’approprie le bois, mais on a l’impression qu’il n’y a pas de frontière au jardin. Quand j’ai deux minutes, je vais y faire un petit tour.” Le cadre est inspirant et reposant. Avec ces grandes fenêtres s’élevant vers la cime des arbres et de belles perspectives, Arnaud Screpel a su tirer le meilleur parti d’une parcelle qui a mis des décennies à trouver acquéreur. La faute à deux ‘défauts’. Tout d’abord, une superficie de 50 ares et le prix qui allait avec: ensuite, une butte de 5.000 m3 de silex et de terre qui s’élevait au beau milieu du terrain. “C’étaient des terres trop meubles pour y bâtir et il aurait fallu 100 camions pour les évacuer!” Déterminé à trouver une solution, Arnaud a proposé à son frère de partager la parcelle avec lui, ce qui a permis de diviser le prix par deux. Ensuite, il a compris qu’une mise à plat de la butte pourrait offrir au terrain de beaux traits paysagers et que l’on pouvait alors y bâtir si on optait pour une structure légère.
Ceci n’est pas une geste
Quelques années plus tard, nous voici dans une maison à l’ossature d’acier. “C’est un peu comme une ossature bois, mais avec plus de flexibilité.” Les baies vitrées obliques et les parois non parallèles abondent. “Nos amis s’étonnaient quand ils venaient pour la première fois. Ils disaient qu’ils ne pourraient pas vivre avec ‘ça’. Avec le temps, ils se sont mis à apprécier. Mais attention, je ne suis pas un tenant du ‘geste architectural’. Le dessin découle d’une authentique réflexion fonctionnelle.” La bâtisse s’articule autour de divers plateaux: le propos était de coller au dénivelé du terrain, tout en limitant le poids des fondations. “A un moment donné, en dessinant, j’ai voulu relier plusieurs façades. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’une coupe biseautée créant une continuité des toitures.” Un premier trait oblique était né. “Pour rester cohérent, j’ai continué sur ma lancée.” Au passage, l’architecte conçoit des vues et des volumes aérés. “Quand vous bénéficiez d’un tel paysage, c’est dommage de ne pas en profiter. Les fenêtres trapézoïdales créent une sensation d’élévation vers les arbres. Les obliques offrent aussi des volumes intéressants, sans que cela coûte plus cher. Après tout, rien ne nous oblige à vivre dans une boîte carrée!”
Communications essentielles
La vaste villa – près de 340 m2 avec les caves – n’est pas le fruit d’un trait de dessin fantaisiste. Arnaud a mûri son projet pendant près d’une année. “Tout est parti d’un cube – la forme la plus compacte qui soit –, que j’ai ensuite coupé, poussé un petit peu ici, puis un petit peu là-bas, toujours dans un but fonctionnel:par exemple, dégager une vue, ou éviter les surchauffes en été.” Le rapport avec l’extérieur est central dans l’aménagement intérieur. Le rapport entre les différents espaces l’est tout autant. “Je n’avais pas envie d’être coupé de ma fille et de mon épouse les soirs où je travaille à la maison. Le bureau donne sur le séjour et sur la chambre au-dessus. Les pièces communiquent entre elles. On sent toujours la vie à l’intérieur.”
Standard et sur mesure
Bleu, rouge, jaune: de grands aplats de couleurs primaires dynamisent le séjour. Un hommage à Le Corbusier? “Plutôt à Mondrian, dont mon épouse est fan”, commente Arnaud. “Ensuite, ce sont des couleurs réellement intemporelles. Le bleu, le rouge, le jaune, ça ne bouge pas.” S’il confesse que l’architecture d’intérieur est un tout autre métier que le sien, il s’est plu à créer quelques tableaux très réussis en mêlant design (canapé MDF Italia, lampe Foscarini…), mobilier intégré et couleurs. La cuisine marque par son grand mur rouge, où s’intègrent des armoires standard. Le salon exhibe une grande composition graphique jaune, noir et blanc, faite d’armoires Ikea standard, d’une cassette à bois et d’une petite partie réalisée sur mesure. Recouvert d’une plaque métallique, l’ensemble crée un résultat haut de gamme pour un prix réduit. Plus haut, le garde-corps du bureau est composé d’autres armoires lambda, également couvertes d’acier. Dans la suite parentale, Arnaud a créé un grand volume dissymétrique. “Là, mon plaquiste ne comprenait pas ce que je voulais. Je me suis donc résolu à le faire moi-même. J’avoue, cela m’a pris quelques jours…”
Source: Gael Maison édition février 2016 | Texte Jean-Michel Leclercq | Photos Laurent Brandajs