Intelligence minutieuse : a la maison chez designer Bram Kerkhofs

C’est une maison de rangée baignée de soleil à deux pas du centre historique de Louvain. Bram Kerkhofs y vit avec sa famille, ses prototypes et les créations inspirantes de ses héros du design. 

Quand ils l’ont achetée voici une quinzaine d’années,  la maison de Bram Kerkhofs et son épouse Lore portait encore les stigmates de sa transformation en kots pour étudiants. Divisée en petites pièces et passablement abîmée, elle sentait le renfermé. A peine y avaient-ils emménagé depuis une semaine, avec leur fils de deux ans et son cadet nouveau-né, qu’une panne d’eau s’est déclarée. La rénovation drastique ne pouvait plus attendre. “Nous avons commencé petit à petit, étape par étape. Au moment de choisir un meuble de salle de bains, rien ne nous plaisait. C’est alors que j’ai décidé de m’y coller moi-même avec un entrepreneur et nous avons réalisé ensemble ce module en polyester bleu. J’accorde toujours beaucoup d’importance au fait d’apprivoiser un matériau et une technique, cela me permet ensuite d’en défier les limites”, explique-t-il.

Lignes astucieuses

L’année suivante, les travaux portent sur l’annexe arrière. Bram et Lore convoquent alors un voisin architecte. “Il habitait à deux maisons  d’ici, et la sienne était assez similaire à la nôtre. Cela lui a permis d’avoir très vite une vision claire de qu’il fallait faire.” L’ancienne annexe, une minicuisine d’à peine deux mètres de large a fait place à un espace profond de six mètres. “Pour renforcer la sensation d’espace et la verticalité, nous avons creusé le sol de 45 cm. En optant pour des châssis en aluminium ultrafins, la baie vitrée nous paraît souvent être une seule et grande peinture. Elle laisse en outre la lumière pénétrer au cœur de la maison. D’un côté, les vitres effleurent le mur. De l’autre, nous avons laissé libre un espace accueillant les tentures.” La maison regorge de détails minutieux, de lignes astucieuses. “Entre le salon à l’avant et la pièce centrale, la plupart des gens auraient maximisé l’ouverture. Notre architecte a opté pour une simple découpe créant une composition étonnante, qui fait pleinement partie de l’architecture. C’est un principe que j’applique désormais dans mon propre travail. Les éléments structurels dont je ne peux me débarrasser, je vais chercher à les accentuer et les souligner… sans perdre de vue bien sûr l’équilibre de l’ensemble.”

Cadre de Référence

Les meubles et les objets créés par Bram peuplent désormais sa maison, aux côtés de pièces signés par des créateurs qu’il admire. “Etre entouré de tous ces objets est crucial pour moi : car ils forment un cadre de référence direct et palpable, à partir duquel je peux continuer à créer ; ils me garantissent en outre une forme de ligne directrice.” La même règle vaut dans son atelier, “où les tables débordent de formes et matériaux que j’étudie en profondeur. Si je devais jamais ‘ranger ce bardaf’, c’est tout un processus de création qui disparaîtrait ! A mes yeux, chaque objet doit pouvoir mûrir et cela demande du temps. C’est une autre bonne raison de s’entourer d’objets forts… Mon monde créatif s’est ouvert lorsque j’ai débuté mes secondaires artistiques, vers 15 ans. Toute cette école  était chaleureuse et très personnelle. Nous avions aussi ces tables à dessins créées par le designer hollandais Friso Kramer. Je crois que ma passion des systèmes constructifs est née de ces heures passées à en observer les charnières. Depuis, je crois que je n’ai toujours pas fait le tour du travail de Kramer et du mobilier scolaire des années cinquante et soixante en général. Sans Kramer ou Wim Rietveld, je ne ferais sans doute pas ce que je fais aujourd’hui. Leur sens du détail et l’ingéniosité de leurs systèmes de construction ne cessent de me fasciner. En ce sens, mon propre travail est beaucoup plus du design industriel que du design art actuel.”

‘Coil’, Bram Kerkhofs

Bram Kerkhofs, bio express 

Né à Louvain en 1977, Bram Kerkhofs a été prof d’arts plastiques en école secondaire avant de reprendre la formation en orfèvrerie, qu’il avait entamée et interrompue des années plus tôt. Une fois orfèvre diplômé, il a dû constater la grande difficulté de lancer un business soutenable en la matière. Fasciné depuis toujours  par le design, il décide alors de s’y consacrer pleinement. En 2012, soutenu et conseillé par un ami entrepreneur, il lance son propre studio. Mais l’orfèvrerie a laissé des traces, de belles traces : amour des matériaux, des systèmes de jonction et de construction, et un incroyable sens des détails. La soif de transmettre ne l’avait pas non plus tout à fait quitté et il enseigne désormais à la Luca School of Arts de Gand et de Bruxelles. Son studio accueille aussi régulièrement des stagiaires. De temps à autre, il donne des ateliers en Belgique comme à l’étranger. Il y a quelques mois, il s’est ainsi retrouvé à Tripoli au Liban à développer de nouveaux systèmes constructifs avec des groupes de jeunes issus de quartiers en conflit. bram-kerkhofs.be

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Gael Maison 04 2020 Texte Elien Haentjens photos Kaatje Verschoren