La maison aux miroirs

Autour d’un patio orné de miroirs hallucinants, le duo d’architectes Vens-Vanbelle a conçu quatre appartements échappant aux lois du genre. Ici, guère de couloir ou d’agencement traditionnel. L’habitat est organique et la convivialité, un maître mot. L’appartement de Maarten Vanbelle en est la plus belle preuve.

Un bâti de 1720

Gand, été 2006. Un incendie s’empare d’une boutique contenant 25.000 costumes de théâtre et de carnaval. “Il ne restait presque plus rien du bâtiment, qui datait de 1720”, raconte l’architecte Maarten Vanbelle. “Seules la façade arrière et une remise tenaient encore debout. J’ai alors racheté le terrain avec mon frère et mes parents. L’emplacement, à la fois central et très calme, nous semblait parfait. Pour mon associé Dries Vens et moi, bâtir un immeuble neuf tout en tentant d’intégrer quelques éléments restants était un beau défi. Tout cela a pris du temps… Le volet administratif n’a été réglé qu’en 2010. Fin 2011 toutefois, tout était fin prêt. L’ensemble abrite à présent quatre appartements. J’en occupe un et mon frère un autre. Nos parents ont mis les deux derniers en location, tandis que Dries et moi avons installé notre bureau dans l’ancienne remise.” 

Patio à l’italienne

L’immeuble concocté par le duo présente une structure complexe. Les architectes tenaient en effet à doter chaque appartement de vues à la fois sur la rue, le patio intérieur et la cour arrière. Ainsi, peu importe l’heure de la journée, le soleil pénètre toujours quelque part. Les logements s’enroulent pour ainsi dire autour du patio, dont les murs ont été composés avec les briques récupérées de l’ancienne demeure. Ces murs sont également dotés de larges miroirs en aluminium poli, dont la fonction est double: faire rebondir le soleil jusqu’au pied de l’immeuble et offrir du ciel dès le rez-de-chaussée. Le résultat est un trompe-l’œil hallucinant, où l’on n’est jamais très sûr de ce que l’on voit. “Peu avant de débuter le projet, Dries et moi avions voyagé en Italie. Là, nous avions été marqués par ces patios pleins d’escaliers, de balcons et de portes, posés là où on ne les attendait pas… Nous nous en sommes largement inspirés pour créer cette cour.”

Quatre unités emboîtées

”Nous tenions aussi à concevoir des appartements qui sortent du schéma classique”, reprend l’architecte. “L’idée était d’en faire de petites maisons. Les quatre unités – deux de deux chambres et deux de trois chambres – s’étendent chacune sur deux niveaux au moins et diffèrent totalement l’une de l’autre. Nous avons pas mal planché sur la manière de les emboîter l’un dans l’autre, ce qui influait bien sûr sur l’aménagement de chacun. Le recours récurrent aux maquettes a été très utile. On a pu ainsi tester l’influx lumineux de chaque unité de façon très réaliste. Contrairement à ce qu’on pourrait croire a priori, ces appartements ont donc été conçus selon un processus très organique d’essais/erreurs. Un peu comme un puzzle sans image à reproduire. Qui plus est, nous ne sommes guère fans de l’architecture pour architectes. Certains trouvent le côté ‘cocon familial chaleureux’ un peu suranné… A nos yeux, c’est plutôt quelque chose d’essentiel!”

Rustique et moderne

Ce souhait est manifeste dans l’appartement de Maarten, qui s’étend au premier et au deuxième. Dans le séjour, le bois domine. Un mur d’armoires en multiplex de pin, au dessin chaud et flammé, répond à merveille au parquet plus sombre. Au plafond, béton et plâtre sont complétés par des poutres de bois. En cuisine, une bande  de terracotta de récupération insuffle une touche rustique et moderne à la fois. Les différences de matériaux définissent aussi les zones de vie. “Tout cela crée un cadre familial très agréable”, souligne-t-il.“Mais je vous avoue que nous pensons néanmoins à déménager. Mon épouse et moi avons eu, entre-temps, deux enfants et la vie en duplex n’est plus idéale. En outre, si nous aimons la ville, nous éprouvons aussi, peu à peu, un désir tranquillité. A moins que ce besoin de changement ne soit qu’une simple déformation professionnelle!”

Source: Gael Maison octobre/novembre 2015 | Photos Luc Roymans | Texte Jan De Vos