Maison passive avec appartement triplex

Construire au beau milieu du tissu urbain n’est jamais évident. Mais y débarquer avec un immeuble passif en bois et ‘sur pilotis’, cela relève carrément de l’exploit. Serpentant entre les maisons voisines, l’ouvrage signé par l’atelier d’architecture FORMa* accueille notamment le lumineux triplex où vivent Harold, Caroline et leurs enfants.

Un clin d’oeil à la rue du Serpentin

Quand ils planchent sur un projet, les architectes aiment à le baptiser. Il peut s’agir d’initiales, d’un nom de code ou du prénom des habitants. Ou encore de la rue où naîtra le futur bâtiment. C’est le cas ici avec ce Serpentin érigé dans la rue éponyme non loin des Étangs d’Ixelles. Face à sa façade bardée de bois au dessin sinueux et ‘serpentant’, nous n’avons pas été les premiers à faire l’analogie entre forme et toponymie. “Je peux comprendre”, nous a répondu Benoît Nis de l’atelier d’architecture FORMa*. “Cela ne vient toutefois pas d’une volonté formelle ou conceptuelle. En tout cas pas au départ. L’architecture dépend vraiment de l’espace et des volumes dont nous disposons entre les mitoyens existants. Etant situés dans un îlot déjà surchargé, nous ne voulions pas non plus imposer aux voisins des ombres ou des débordements supplémentaires. Nous nous sommes donc collés à l’existant tout en veillant à maximiser l’espace de vie à l’intérieur…” N’empêche, et c’est plus vrai encore quand nous voyons la maison de derrière, n’avez-vous pas vous aussi l’impression qu’elle serpente habilement entre ses voisines?

Une collaboration fructueuse

Harold et Caroline vivaient à Uccle dans un vaste appartement. Avec l’arrivée de deux enfants, Victoria et Harrison, ils ont eu envie de se rapprocher du centre-ville. C’est alors qu’Harold est tombé sur un vieil atelier, logé entre deux maisons. Et à qui faire appel sinon à FORMa*, les architectes dont il avait appris à apprécier l’approche en étant leur quasi-voisin? “Mon métier n’a rien à voir avec l’architecture, et c’est vrai que cela a toujours été une petite frustration pour moi”, explique Harold.“Dès lors, cela a été un vrai luxe de pouvoir cocréer avec quelqu’un comme Benoît Nis.” L’architecte ne nous a pas dit autre chose en confessant que les meilleurs projets sont toujours ceux où s’établit un bon dialogue entre maître d’oeuvre et maître d’ouvrage. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, d’avoir en cours de route des opinions différentes et de devoir en débattre.

La bonne formule

Sur cette parcelle de 125 m2, conserver la vieille masure n’aurait eu aucun sens. Mais quelle genre de construction rendrait le projet rentable et agréable à vivre? Benoît Nis et Harold optent pour une maison divisée en trois unités: un rez polyvalent, pouvant être loué comme bureau, un appartement deux chambres destiné à la location, et enfin un triplex pour Harold et les siens. Nous sommes en 2009. L’idée, au départ, est de construire un bâtiment basse énergie. De fil en aiguille, et après moults problèmes avec des entrepreneurs maîtrisant mal certaines techniques, l’ambition sera revue…à la hausse: la maison est aujourd’hui passive. Pour ce faire, on a d’abord posé une dalle de béton renforcé sur laquelle se dressent les colonnes métalliques qui supportent l’ossature bois. A noter que des colonnes similaires sont apparues aux étages afin d’alléger la structure bois et d’augmenter les portées. Résultat: Harold et Caroline jouissent d’un triplex ouvert sur le ciel mais aussi tourné vers lui-même, tant les espaces communiquent agréablement entre eux autour de la cage d’escalier métallique.

Plaque gravée

“Nous voulions faire le pari d’un espace de vie plus compact: nous étions deux dans 240 m2, nous voici à quatre sur 170 m2. Il y a néanmoins de la place pour chacun grâce à un aménagement adapté”, explique Harold. Benoît Nis a dessiné de nombreux éléments intégrés. Ils ont été mis en oeuvre sur place par les ouvriers chargés des finitions. Pour cela, Harold avait commandé deux palettes de bois, traitées sur place. L’espace ainsi dégagé laisse la place au vide et à quelques pièces de mobilier. “Nous n’avions plus besoin de grand-chose, en réalité. Une camionnette a suffi pour le déménagement. En revanche, ce ne sont que des pièces qui nous tiennent à coeur. Entre les tabourets de bar chinés au Jeu de Balle et rehaussés de peau de bête, une table de Jean Nouvel et quelques pièces des Eames – dont une édition rare par Herman Miller des deux fauteuils du salon –, Harold et Caroline ont su habiter l’espace conçu par leur architecte. Et c’est peu dire qu’ils en sont contents. “A la fin du chantier, nous lui avions réservé une surprise: une plaque avec son nom devant la maison, comme cela se faisait jadis…”

Source: Gael Maison édition mars 2016 | Texte Jean-Michel Leclercq | Photos Laurent Brandajs | Stylisme Nathalie Horion