Nouveau talent: Alexander Marinus

C’est lors d’une année d’échange en Equateur qu’Alexander Marinus (°1992) a décidé, intuitivement, d’étudier le design. Et c’est en lisant la description du programme du département Man & Well-Being de la Design Academy d’Eindhoven que les pièces du puzzle se sont mises en place : “Là, on met l’accent sur l’aspect humain et sur la façon dont on peut utiliser la créativité pour rendre notre monde meilleur”, souligne le Bruxellois. “A l’origine, pour mon travail de fin d’études, je voulais réaliser ma propre interprétation de l’espadrille. Mes recherches m’ont ainsi amené au jute, dont les fibres – longues et dorées – m’ont semblé magnifiques. Or, de nos jours, ce matériau est surtout utilisé pour des produits bon marché et strictement utilitaires, comme les sacs de café. Cela m’a donné envie de m’y consacrer. Mon premier constat fut qu’il était très complexe de mettre la main sur de la fibre pure : le jute n’est produit qu’en Inde et au Bangladesh, des pays très protectionnistes.”
“Après de nombreux essais/erreurs, j’ai trouvé deux techniques intéressantes : le feutrage à l’aiguille, qui produit un matériau solide, ouvert et léger dont je peux par exemple recouvrir un tabouret, et l’assemblage de fibres longues et pures, qui me permet d’exploiter au maximum cette longueur, dans un coussin par exemple. Afin de solidariser ces fibres, j’ai mis au point ma propre technique de couture, qui me permet d’utiliser les moins beaux morceaux de jute comme rembourrage.”
Bien qu’il lui soit toujours difficile de s’approvisionner en matière première, Alexander s’accroche et œuvre au développement de son projet, joliment baptisé ‘Hey Jute’. “Je viens d’entamer les démarches pour intégrer un réseau néerlandais d’entreprises responsables (Maatschappelijk Verantwoord Ondernemen Nederland). J’aimerais aussi pouvoir utiliser mon expérience pour explorer les possibilités du chanvre et du lin, autrefois cultivés chez nous. Entre-temps, cette industrie a en grande partie été délocalisée en Chine. Dans un contexte de guerres commerciales grandissantes, il me paraît judicieux de réinvestir dans notre industrie (textile) locale, pour être moins dépendants. J’aimerais m’impliquer en tant que créateur dans la restauration de ce savoir perdu”, commente-t-il. Créateur polyvalent (il est aussi copywriter et prof de skate), Alexander est actuellement en résidence au MAD Brussels. Il a séduit le jury des Henry van de Velde Awards, qui a couronné ‘Hey Jute’ d’un Gold Award Design-led Crafts. “Quand j’ai effectué mon stage chez les designers d’Unfold, j’ai compris que le processus comptait autant que le produit. Cela m’a encore plus convaincu de l’importance de la recherche en design. Le design, c’est bien plus que la création d’un “beau produit”. Mon ambition est de réaliser des choses nouvelles. D’être un activiste !” alexandermarinus.com
Texte: Elien Haentjens. Photo: Kaatje Verschoren.