Un projet de logements durables au coeur de Bruxelles
Vivre à Bruxelles, dans un espace écologique et à prix abordable: c’est ce qui a motivé une trentaine de familles à bâtir ‘Brutopia’. Autour d’un jardin commun où les enfants jouent en plusieurs langues, ce rêve est devenu réalité. Gael Maison y a visité quatre appartements.
Brutopia
Certes, un tel projet prend du temps. Cinq années ont passé entre les premières discussions en juin 2008 et la livraison du projet casco en juillet 2013. Mais nous voici à l’été 2015, assis dans un large jardin aux airs de parcs, discutant avec deux des 80 habitants de Brutopia, l’architecte Serge Fraas et Mark Van den Dries, la « locomotive » du projet. A les entendre, on comprend que l’enjeu en valait la chandelle. Mark nous confie une anecdote qui en dit long sur la vie qui se déroule ici, non loin des anciennes brasseries Wielemans Ceupens à Forest: “Une voisine m’expliquait l’autre jour qu’elle part désormais chaque jour travailler 10 minutes plus tôt car elle sait qu’elle va tomber sur deux ou trois personnes avec lesquelles elle voudra discuter. Sans que rien n’ait été organisé, des partages de voitures et des ateliers ont été mis en place. Le baby-sitting non plus n’est jamais un souci. Les voisins savent pouvoir compter les uns sur les autres. Surtout, ce sont 29 appartements et 3 bureaux bâtis selon des normes écologiques strictes (24 d’entre eux ont été déclarés passifs, dont 7 zéro énergie) à des prix en dessous des normes du marché. Avec, en prime, ce parc commun, où une trentaine d’enfants jouent en français et en néerlandais, les plus grands s’occupant des plus petits ». “C’est parfois une misère de rappeler notre fille à l’intérieur”, sourit Serge Fraas. “Elle dit toujours: dehors, dehors!”
Quadrillage
Retour en arrière, en 2008. “J’avais déjà participé à un projet de cohousing à Laeken et je tenais à réitérer l’expérience”, explique Mark. “Un jour, ma nièce m’a dit vouloir créer un groupe et m’a demandé si ça m’intéressait.” La première rencontre réunit une cinquantaine de personnes, dont une vingtaine décide de se joindre à l’aventure. Le groupe s’élargira ensuite, sans jamais perdre personne en route. Leur première tâche sera de trouver un lieu. Pour ce faire, ils prennent une carte de la ville et la quadrillent en une vingtaine de zones. Chacun s’en va alors en explorer une, rue par rue. 24 sites sont ainsi repérés. Après une première sélection, 11 sont soumis à une étude de faisabilité. Il s’agit de déterminer quel espace sera le plus adapté en termes de place, de facilité d’exécution et d’accès aux transports publics. Sur base de ces études, le groupe opte pour cet ancien chancre forestois.
Architecture
Serge Fraas faisait partie du groupe de base. “Je n’avais jamais été attiré par la propriété, là je me suis dit: c’est pour moi. Chemin faisant, j’ai eu envie d’en être l’architecte.” Avec son associé François Stekke, ils se portent candidats. Leur candidature est retenue par le groupe. L’achat du terrain avait été négocié de sorte que la vente puisse être annulée si le permis de bâtir imposait de réduire le nombre de logements. “L’équilibre financier de l’ensemble en dépendait”, précise l’architecte. Heureusement, après de légers ajustements, le projet est avalisé. Il s’agira de deux ailes de cinq et six niveaux, bâtie chacune à flanc de trottoir. L’ensemble sera bardé d’aluminium, matériau recyclable derrière lequel on peut aisément poser l’isolant nécessaire à l’efficience énergétique. Un souci particulier sera accordé à l’isolation acoustique: “Le secret de l’entente avec ses voisins est de ne pas les entendre”, sourit Serge Fraas. Enfin, il s’agit que chaque famille jouisse des mètres carrés nécessaires. “On a demandé à tout le monde de mesurer son logement d’alors pour voir de quoi chacun avait besoin. Il fallait savoir aussi qui voulait un duplex, un simplex. A partir de ça, nous avons alors pu commencer un grand puzzle, au terme duquel chacun a eu le choix entre plusieurs appartements.”
La force du groupe
Le chantier sera mis en oeuvre par d’autres architectes, Serge et François pouvant ainsi redevenir des maîtres d’ouvrages comme les autres. Tout au long du projet, l’esprit d’égalité est préservé par le groupe, notamment grâce à l’expérience de Mark, que l’équipée en vient à surnommer affectueusement Grand Schtroumpf. “Les groupes aiment pouvoir discuter de plein de choses. Or, il faut savoir aller à l’essentiel, aller de l’avant et prendre des décisions. Il faut pouvoir trancher, tout en tenant compte du fait que certains ont des facilités à parler et d’autres moins. Et tout le monde doit être entendu.” Depuis que Brutopia est sur les rails, cet ancien chef d’entreprise est devenu coach de projets de cohousing. “Ce que je trouve impressionnant dans un grand groupe, c’est quand les cerveaux commencent à mijoter. Les idées fusent. Et puis, il y a aussi une abondance de savoirs et connaissances dont on peut bénéficier.” Brutopia, une preuve que la ville peut se vivre et se bâtir autrement!
Pour plus d’infos sur l’architecte, visitez son site.
Source: Gael Maison édition août/septembre 2015 | Texte Jean-Michel Leclercq | Photos Tim Van De Velde