Une ancienne maisonnette en pierre rénovée
Dans cette minimaison en pierre deux fois centenaire, l’architecte d’intérieur Valérie Lemal s’est créé un petit bout de paradis à même la roche: un antre chaleureux et lumineux aux accents scandinaves et marocains. Et dehors, murmure une rivière.
Grotte cosy
Dehors, le cadre est bucolique. Entre deux très vieux villages, Arquennes et Feluy, coulent la Samme et le vieux canal. La maison de Valérie Lemal et les maisons voisines sont là depuis deux siècles au moins. Elles ont servi de ferme, d’étables pour chevaux de hallage et même de guingettes. Aujourd’hui, si les péniches ne passent plus, les mouettes, les cormorans et les hérons connaissent toujours le chemin et le RAVeL draine son flot de promeneurs. L’enchantement se prolonge à l’intérieur. Et de quelle manière! Par endroits, l’impression nous gagne d’être dans une grotte, une grotte cosy et lumineuse. C’est que la maison a été bâtie à même un gros rocher, qui impose sa majesté minérale au cœur de l’espace de vie. En jouant avec cet élément central peu banal, mais aussi avec le bois nu, les textiles et le blanc, Valérie Lemal a composé un lieu unique et beau. Ce qui n’était pas gagné d’avance…
Murs aveugles
“La première fois que j’ai vu la maison”, se souvient l’architecte d’intérieur, “je me suis dit: non, ce n’est pas possible. Tout était délabré, sans salle de bain et avec des WC dans le jardin. Il n’y avait pas non plus de chauffage… Mais la maison et, surtout, le cadre, ici au bord de l’eau, m’ont travaillée. J’y suis revenue un peu plus tard et j’ai fait une offre.” L’espace était réduit. Aujourd’hui, même après avoir mué les combles en espace nuit, la maisonnette n’affiche pas plus de 70 m2. “J’ai passé des semaines à tout repenser et dessiner au centimètre près. Je n’avais jamais dû user d’une telle précision.” Avec trois murs aveugles, la lumière était un autre grand défi. “La zone – et donc la rue – est classée d’intérêt paysager. Il était donc exclu d’ouvrir davantage la façade. La solution ne pouvait venir que d’en haut.” De fait, trois fenêtres de toit inondent de lumière l’étage supérieur, mais aussi les deux autres niveaux grâce à des ouvertures au sol, dont plusieurs sont vitrées. “Plusieurs idées d’ouverture sont nées en cours de chantier. Il était difficile de se rendre compte des choses a priori.” L’intuition était de mise dès l’aube du projet. “Les murs de pierre, la roche, cela ne devait pas intéresser beaucoup les gens à l’époque. Tout était recouvert de mille couches et le rocher avait disparu derrière des étagères. Il était tout noir et couvert de champignons. C’est en allant voir chez les voisins, chez qui le rocher est présent également, que j’ai compris qu’on pouvait en faire quelque chose.” Pour l’anecdote, citons encore cet entrepreneur venu ‘conseiller’ à Valérie d’abattre tout: “De toute façon, Madame, m’avait-il dit, votre façade n’a aucune valeur et sera par terre d’ici cinq ans. Là-dessus, il m’a suggéré de tout refaire en briques. Certaines personnes ne pas douées pour vous rassurer ! La maison est là depuis 200 ans, je crois qu’elle ne m’a pas attendue pour s’effondrer.”
Du blanc pour agrandir
Le nouveau visage de la bâtisse, Valérie le voit comme “un dialogue entre la maison et mes intentions”. “Il fallait du respect pour ce que la maison avait à dire. Le blanc fait ressortir la pierre et élargit l’espace. J’ai aussi laissé parler mon goût pour le bois et les tissus…” L’architecte d’intérieur a joué avec les matières et les textures. Ici, des éléments techniques se cachent derrière un panneau de lin. Là, des cuillers en bois marocaines se mêlent à un bout de bois venu du jardin et à un boulon pêché dans le canal pour composer une installation zen. Quelques lampes marocaines en métal tamisent et réchauffent la lumière. Tapis et coussins témoignent des séjours de Valérie à Fez, Ouarzazate ou Taroudant. La banquette sous l’escalier est une autre marque d’influence méditerranéenne. A l’inverse, la table à manger, massive et géométrique, et les chaises Panton nous ramènent un peu plus au nord.
Penser le moindre recoin
L’écrin est petit mais regorge d’endroits cocons et bien pensés : la baignoire au bord de la fenêtre, la chambre d’où l’on entend la rivière ruisseler, la salle à manger ou encore le bureau rabattable composé avec une vielle porte patinée. Chaque centimètre carré est pensé. Chaque mètre carré est habité. On ressent le charme des maisons rurales d’hier et on se sait de ce siècle. Même si la présence de la roche nous plonge dans une dimension onirique qui, elle, échappe au temps.
Retrouvez plus d’infos sur Valérie Lamal via son site.
Source: Gael Maison décembre/janvier 2015/16 | Texte Jean-Michel Leclercq | Photos Laurent Brandajs | Stylisme Nathalie Horion